Information
#55 Robert Crumb
ven. 26 juin
|https://bit.ly/Fiche_Crumb_S11
Loeve&Co-llect: Onzième semaine, onzième thème. Et toujours, chaque jour à 10 heures, du lundi au vendredi, une œuvre à collectionner à prix privilégié, disponible uniquement pendant 24 heures. Collectionner n'a jamais été aussi enrichissant...
Heure et lieu
26 juin 2020, 10:00 – 27 juin 2020, 09:59
https://bit.ly/Fiche_Crumb_S11
À propos de l'événement
Semaine 11: Rires noirs
Romain Gary voyait dans l’humour «une déclaration de dignité», «une affirmation de la supériorité de l'homme sur ce qui lui arrive». Et, quand les temps s’assombrissent, c’est naturellement l’humour noir qui seul peut nous sauver!
André Breton en a d’ailleurs écrit une Anthologie. Nous le rejoignons pour vous en proposer cette semaine un stimulant ensemble graphique, cinq dessins signés par certains des plus grands illustrateurs du vingtième siècle!
Œuvre 55: Robert Crumb (né en 1943)
Fiche complète de l’œuvre et «prix Loeve&Co-llect» disponible ICI
I Must Have Sex and Old Recrords, 1994 (détail). Encre sur papier. Signée et datée en bas à droite. 22,5×24cm.
Le Micocoulier, où ce dessin a été réalisé en 1994, est un restaurant situé aux pieds des Cévennes, au cœur du village
médiéval de Sauve où le dessinateur américain Robert Crumb s’est établi au début des années 1990, amené pour ainsi dire de force par son épouse Aline, qui rêvait de s’y établir; Un matin je me suis réveillé et j’habitais en France, résume Crumb, laconique. Icone de la contreculture américaine, dessinateur star représenté par la puissante galerie David Zwirner et exposé dans les plus grands musées (dont une gigantesque rétrospective au Musée d’art moderne de la ville de Paris en 2012), Robert Crumb reste ce petit homme fluet qui dessine compulsivement sur les nappes en papier du Micocoulier de Sauve, qui ont voyagé grâce à lui sur les plus prestigieuses cimaises.
La créature qu’il représente sur cette feuille est imaginaire, à coup sûr. Ses rides, ses poils, sa coiffure ridicule et son sexe humide en font un personnage crumbien par excellence, exaltant tout ce qu’il y a de minable chez l’être humain. Mais ce sont surtout ses préoccupations qui le rapprochent du génial créateur de Fritz the Cat et Mr. Natural. Car il ne désire rien d’autre que du sexe, et de vieux disques. Deux obsessions bien repérées chez son propre créateur, pionnier de l’autofiction en bande dessinée.
Le sexe, pour commencer. Il inonde, il suinte même, toute l’œuvre de Crumb depuis son tout premier opus, le mythique Yum Yum Book, dessiné en 1963 dans le seul but de séduire la future Madame Crumb, véritable bréviaire de la perte de la virginité. Quant aux vieux disques, leur collection occupe une bonne part de l’emploi du temps de Robert Crumb, qui dessine lui-même des pochettes de disques depuis 1968, lorsque Janis Joplin lui a demandé de créer une pochette pour son album Cheap Thrills. Paru en 2011, l’ouvrage The Complete Record Cover Collection recense plusieurs centaines de ses créations pour des pochettes de disques, à commencer par celles de son propre groupe, The Cheap Suit Serenaders, mais également pour The Grateful Dead, Deep Purple, Neil Young, The Who ou encore Bob Dylan.
La relation obsessionnelle de Crumb aux vieux disques provient peut-être de la demande tout à fait inhabituelle que lui a faite le critique de jazz et collectionneur compulsif Harvey Pekar, de dessiner son autobiographie, rassemblée depuis sous le titre
American Splendor. Depuis, il a accumulé des milliers d’enregistrements anciens, de jazz, de blues... Mais naturellement, il porte lui-même un regard ironique et désabusé sur sa propre manie, et en 1977, il en a même fait le sujet d’une bande dessinée passée à la postérité: Why I’m Neurotic about my Record Collection.
Depuis, comme pour le sexe, il garde cette passion pour la sphère privée. Trop de déconvenues.
À l’image de cet épisode, qu’il raconte: J’ai essayé de partager ma passion avec les gens, j’ai fait des BD sur des musiciens du bon vieux temps, parce que j’étais convaincu que c’était bien meilleur que tout ce qui se produisait alors. J’avais fait une BD sur Charley Patton, un des grands-pères du blues, et l’éditeur est un jour venu chez moi. J’ai donc sorti l’un de mes 78 tours préférés, Down the Dirt Road de Charley Patton, et je l’ai mis. Je me suis assis, prenant du bon temps en écoutant le disque, et lui aussi est resté assis tranquillement, patiemment. Et une fois que je l’ai enlevé, il m’a regardé et il m’a me dit: Ouais, qu’est-ce qui te plaît là-dedans?
Il ne cherchait pas à être blessant, il était juste curieux. Mais qu’est- ce que j’aurais pu répondre? Donc, je n’essaye même plus de convertir les gens.
Robert Crumb
Propos recueillis par Erik Verhagen
«J’aime beaucoup le travail de Peter Saul. Quand j’ai publié Raymond Pettibon dans Weirdo (1985), je trouvais son boulot très bien foutu, mais je n’ai jamais compris que ça fasse un tel tabac dans le monde de l’art. Je me sens beaucoup plus proche de mes collègues dessinateurs. C’est avec ces artistes-là que j’ai le plus d’affinités. La bande dessinée est un médium à part. Raconter des histoires, c’est toute une histoire. Ce n’est pas seulement dessiner un truc sur le mur. C’est un médium qui a des impératifs et des besoins particuliers. Entre nous, nous parlons beaucoup des grands anciens qui nous ont inspirés, des illustrateurs que nous admirons. Tout tourne autour du dessin et du métier de l’illustration. Dans le monde de la BD, il ne viendrait à l’idée de personne de rougir d’avoir été influencé par quelqu’un. Il y a cette fierté de faire partie d’une tradition. C’est l’idée même de tradition qui est forte chez nous. Et je trouve ça sain. Pas besoin de détruire quoi que ce soit. On n’est jamais gêné d’adopter une technique, un tour de main ou un outil qu’un autre artiste a utilisé avant nous; nous avons tous les mêmes problèmes à résoudre: dessiner un personnage, ombrer, hachurer, brosser, encrer. C’est la richesse de notre tradition. Quand vous regardez ce qu’a fait un type comme Joseph Beuys, c’est tellement peu de chose. C’est juste des idées abstraites, ça n’évoque aucune tradition de métier. D’ailleurs, on dirait que le monde de l’art se méfie du métier. Il ne faut pas se poser trop de questions sur les réactions du lecteur. Quand il est au boulot, le dessinateur a plus ou moins dans la tête une image de lecteur. Une image vague, un ami parfois, ou un couple que l’on fréquente. Il ne faut pas trop penser à ce genre de choses. Nous sommes tous intégrés dans la société et nous savons très bien qu’elle nous demande d’être d’une certaine façon, bien élevés, polis, de ne pas agir de manière agressive ou discourtoise. Si vous commencez à penser à tout ça en dessinant, votre boulot va immédiatement s’en ressentir et devenir fade et sans intérêt. C’est difficile de dire si on dessine pour soi ou pour le lecteur. Je suis entraîné à dessiner des BD depuis l’enfance, je connais toutes les techniques de communication dans ma branche. Il faut que ce soit lisible. Il faut que ce soit clair. Quand j’étais môme, je m’entraînais à dessiner des comix conventionnels, comme un pro. Au début, j’imitais le style des types que j’aimais, et puis on grandit et on commence à déconstruire la forme, à la dynamiter de l’intérieur pour obtenir toutes ces choses bizarres qui ne se produisent que quand on nique la forme, justement. Mon approche du comix devient plus artistique, je ne me contente plus d’être seulement un amuseur. Ça m’ennuie d’être seulement un amuseur. Je suis un dessinateur de BD, oui, mais pas que ça non plus. J’ai mon côté beaux-arts, moi aussi. Niquer le médium et tout ça. Cette prise de conscience du médium, je l’ai eue dès mon premier trip de LSD. Je suis devenu d’un seul coup hyperconscient que ce médium avait partie liée avec ma propre vie».
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