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Dora Maar

lun. 24 août

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Dora Maar
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Heure et lieu

24 août 2020, 09:59

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À propos de l'événement

Semaine 20 : Dora Maar

Elle était tout ce qu’on voulait, un chien, une souris, un oiseau, une idée, un orage. C’est un gros avantage quand on tombe amoureux.

Pablo Picasso, circa 1954

Les expositions rétrospectives récemment organisées conjointement par le Centre Pompidou, la Tate Modern et le Getty Museum ont été l’occasion d’une double redécouverte. Celle d’une artiste véritable, Dora Maar, photographe inventive, pleinement intégrée au Surréalisme historique, et, à l’intérieur de ce corpus méconnu, un joyau encore plus secret: sa peinture et, surtout, ses œuvres dessinées, au premier rang desquelles des paysages expressionnistes abstraits inspirés de ses promenades méditatives dans le Luberon, autour de sa maison, offerte par Picasso en cadeau de rupture.

Longtemps, décrypte l’historienne de l’art Camille Viéville, co-autrice avec Laure Adler du livre de référence Les femmes artistes sont dangereuses (Flammarion, 2018), le mythe de Dora Maar, éternelle muse de Pablo Picasso, beauté fatale immortalisée par Man Ray, a occulté son œuvre. Heureusement, plusieurs expositions muséales où la peintre et photographe d’origine croate était systématiquement replacée dans son – riche – contexte (Dora Maar. Bataille, Picasso et les surréalistes, Marseille, 2002, ou Picasso/Dora Maar. Il faisait tellement noir… au Musée Picasso, Paris, 2006), ont ouvert la voie à ces rétrospectives, dont la version la plus convaincante a eu lieu à la Tate Modern de Londres.

Née en 1907 à Paris, Henriette Theodora Markovitch, choisit de conserver Dora, son surnom d’enfant, raccourcissant son patronyme, pour évoquer désormais le nom allemand des volcans. Ne témoignait-elle pas, selon Brassaï, d’un tempérament enclin aux orages et aux explosions? Femme-enfant éruptive et sauvage, Dora Maar est passée à la postérité en quatre voyelles et quatre consonnes, mais sous les formes magiques et diffractées des Femmes qui pleurent peintes par Pablo Picasso en 1937, considérées parmi ses chefs d’œuvre absolus, indépassables. Pour moi, admit le peintre espagnol, elle est une femme qui pleure. Pendant des années, je l’ai peinte en formes torturées, non par sadisme mais par plaisir. Je ne pouvais que donner la vision qui s’impose à moi, c’était la réalité profonde de Dora.

Indépassable, justement, Picasso l’aura été au vingtième siècle pour plus d’un peintre qui s’y sera frotté. Mais pas pour Dora Maar. D’abord parce qu’elle fut, dès les années 1930, une photographe reconnue, la seule femme, même, à participer systématiquement à toutes les grandes expositions surréalistes, autrice de certains des photomontages les plus emblématiques de l’époque, icones des revues du groupe, dont Sans titre (main-coquillage), Portrait d’Ubu ou 29, rue d’Astorg. Ensuite, parce qu’elle ne put heureusement pas être aveuglée par un astre qu’elle a contribué à façonner (en photographiant au jour le jour Guernica en train de se peindre, Dora Maar invente Picasso au travail, elle invente le peintre moderne selon l’ancienne directrice du Musée Picasso, Anne Baldassari). Enfin, parce qu’elle attendit sa rupture définitive avec Picasso, en 1946, pour reprendre les pinceaux, et se lancer à corps perdu dans la peinture, puis surtout dans le dessin.

Je marche seule dans un vaste paysage. Il fait beau. Mais il n’y a pas de soleil. Il n’y a plus d’heures,écrit-elle dans son carnet à cette époque, alors que Picasso vient de lui offrir, en cadeau de rupture, un mas provençal à Ménerbes, dont elle arpente inlassablement les environs, couvrant ses grands cahiers de formes sombres, évocatrices autant des paysages minéraux dans lesquels elle dérive, que des fluctuations sismographiques de son âme.

On compare ses encres à celles de Victor Hugo? Pirouette de l’histoire, que le grand ogre écrivain de L’homme qui rit rencontre ainsi symboliquement, à un siècle de distance, celui, peignant, de La femme qui pleure… Mais Dora Maar n’est pas Juliette Drouet; l’exposition rétrospective du Centre Pompidou a été une révélation pour beaucoup, notamment dans sa deuxième partie, qui égrenait ses expérimentations graphiques datées des années 1950 aux années 1980, avant qu’elle ne revienne fugacement à la photographie.

Ses dessins sont ceux d’une artiste libre et inspirée, revisitant sans complexes les grands thèmes de l’histoire de l’art (paysages, natures mortes et même sujets religieux, en écho au jugement lapidaire de son psychanalyste, Jacques Lacan, à son propos: Il n’y avait pas d’autre chemin. C’était la camisole de force ou le confessionnal).

Mais son génie propre explose aussi dans les étonnants portraits pointillistes de fleurs, dans ces visages où l’ombre et la lumière creusent leurs sillons avec une sûreté que seule offre la maîtrise absolue de l’art photographique. Si la couleur s’y trace çà et là un sillon, c’est dans le contraste violent du noir et du blanc que l’orageuse Dora Maar, décidément, se sent outrageusement, enfin, toujours, à sa place. Cinquante ans auront été nécessaires, finalement, pour opérer l’ultime transformation, supprimer cette petite voyelle qui fait toute la différence; pendant ce temps Dora Maar est devenue en effet non plus une modèle, mais un modèle, une artiste à part entière, qui a su s’extirper de sa position de femme d’artiste, de muse, d’égérie, de mythe, pour accéder pleinement à la reconnaissance légitime d’un talent singulier.

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