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Flower Power
lun. 28 sept.
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Loeve&Co-llect: Vingt-cinquième semaine. Chaque jour à 10 heures, du lundi au vendredi, une œuvre à collectionner à prix privilégié, disponible uniquement pendant 24 heures. Collectionner n'a jamais été aussi enrichissant...
Heure et lieu
28 sept. 2020, 09:59
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À propos de l'événement
Semaine 25 : Flower Power
Semaine après semaine, chaque thème est à la fois un clin d’œil, une occasion de revisiter les œuvres d’artistes que nous apprécions, mais aussi, avec légèreté, de fournir un éclairage contemporain sur une histoire de l’art qui est trop souvent perçue comme figée, recroquevillée sur elle-même.
Dites-le avec des fleurs, proclamait une publicité de notre enfance. Oui, mais dire quoi? S’il y a un langage des fleurs, l’art s’en est emparé il y bien longtemps; mais alors que les fleurs sont présentes dans la peinture depuis l’Antiquité, Jan Brueghel l’Ancien, dit Brueghel de Velours (1568-1625) pourrait bien être, avec Le Bouquet (1603) , le premier à en avoir fait le sujet exclusif d’une œuvre.
Échangeant cette semaine avec le grand conservateur de musée Didier Ottinger, commissaire de la future exposition Magritte en plein soleil. La période Renoir 1940-1947, à venir dans quelques mois au Musée de l’Orangerie à Paris, cette affaire de fleurs nous est apparue moins anodine et inoffensive qu’il pourrait y paraître. Pour éclairer le passage, dans la peinture de Magritte, de la période sombre de l’avant-guerre, caractéristique de l’époque (dans l’Exposition internationale du Surréalisme de Paris (1938) il fallait trouver son chemin avec des lampes électriques portatives. Nous avons connu cela pendant l’occupation et ce n’était pas drôle. Ce désarroi, cette panique que le surréalisme voulait susciter pour que tout soit remis en question, des crétins nazis les ont obtenus mieux que nous et il n’était pas question de s’y dérober, écrit-il à André Breton en 1946) à la période dite Renoir, révélée avec fracas à Paris à la Galerie du Faubourg du 11 mai au 5 juin 1948, solaire et éclatante, c’est bien le bouquet de fleurs que Didier Ottinger convoque, citant une lettre du peintre belge au poète Joë Bousquet, dans laquelle il en loue la dimension scandaleuse: la peinture surréaliste telle que la pratique d’innombrables artistes est devenue insupportable on y voit beaucoup de mains coupées, le sang coule à flot; les inventions sont écœurantes d’ingéniosité, tous ces artistes me donnent l’impression d’être aveugles et de vivre dans un musée surréaliste poussiéreux où un bouquet de fleur véritable fait scandale.
On le sait, le langage des fleurs est complexe; dans la peinture plus qu’ailleurs son potentiel expressif a été révélé: Les fleurs, objets symboliques, possèdent de multiples sens qui dépendent du contexte et du sujet traité. Leur splendeur éphémère est un hommage à la richesse et à la beauté de la nature; mais elle peut aussi exprimer la fragilité de l’existence humaine, la vanité des biens de ce monde lorsqu’elles sont flétries ou que leurs feuilles sont rongées par des insectes. Elles perdent progressivement toute signification symbolique et deviendront de simples objets de délectation, écrit l’historienne Geneviève Fettweis dans Les fleurs dans la peinture des XVe, XVIe et XVIIe siècles. Les fleurs, les bouquets, certes, n’ont sans doute pas la même signification chez Redouté que chez Renoir, chez Redon que chez Magritte, et Kudo que chez Koons ou Murakami.
Pour explorer ce thème si nécessaire en ces temps incertains où l’on a parfois l’impression, de nouveau, qu’il est nécessaire de trouver son chemin avec des lampes électriques portatives, nous sommes repartis de l’origine, l’observation. Dans ses Lettres élémentaires sur la botanique, Jean-Jacques Rousseau ne recommande pas de procéder autrement, comme il l’écrit à Madame de L., qui sollicite ses conseils afin d’éduquer sa fille aux choses de la nature: Jʼai toujours cru quʼon pouvait être un très-grand Botaniste sans connaître une seule plante par son nom; et sans vouloir faire de votre fille un très-grand Botaniste, je crois néanmoins quʼil lui sera toujours utile dʼapprendre à bien voir ce quʼelle regarde.
Aussi sommes-nous particulièrement heureux de pouvoir vous proposer notamment une rarissime aquarelle signée Pierre-Joseph Redouté (1759-1840), surnommé le Raphaël des Fleurs, considéré comme le pinceau le plus habile de son temps. Reconnu pour sa rigueur scientifique au Jardin du Roi devenu Muséum sous la Révolution, il a poursuivi et porté au plus haut niveau de minutie la tradition des vélins du roi, s’attachant autant à transmettre les caractéristiques les plus précises des fleurs les plus communes, qu’à illustrer les recueils des naturalistes de retour d’expéditions en Australie, en Amérique ou en Afrique du sud. Comme le rappela Jules Janin, cette connaissance intime de la flore procédait, chez Redouté, d’un amour, d’une dévotion même à l’égard des spécimens qu’il entreprenait de représenter: Il était dans une contemplation muette et presque solennelle en présence de ses divins modèles, il avait peur de les ternir, même d’un souffle, il les appelait les étoiles de la terre; à force de les voir, de les admirer et les aimer, il en savait les noms, les parfums…[…]… la fleur restait brillante et parée, elle restait entourée de son feuillage natif, de son innocente épine, de la mousse qui la recouvrait, elle gardait la goutte d’eau tombée du ciel ou l’insecte doré qui vivait dans son calice. C’était là pour notre peintre des miracles de tous les jours…
Dora Maar n’aurait certainement pas renié ces mots, elle dont toute l’œuvre de dessinatrice s’est forgée lors d’interminables promenades d’une rêveuse solitaire, à travers les sublimes paysages du Luberon, riches d’une flore sauvage ensorcelante. À l’occasion de l’exposition de ses Paysages à la Galerie Berggruen & Cie en 1957, grand complice de Picasso, le collectionneur et historien Douglas Cooper lie intimement ses créations à cet environnement naturel particulièrement préservé, écrivant dans la préface du catalogue: Tu vois la nature comme tu la sens, dans toute son ampleur de création mystérieuse et divine, rugueuse, féroce, noble, douce, luxuriante ou tragique à tour de rôle. Mais il faut aussi que ton public sache que tu trouves tout cela dans ce merveilleux pays entre le Lubéron et le Ventoux.
Avec les œuvres de Jacques Monory, Malcolm Morley et Clovis Trouille, nous aurons l’occasion d’explorer d’autres motifs floraux, et de découvrir d’autres motivations à leur convocation. C’est bien tout le pouvoir des fleurs, que de se prêter à des approches à la fois si diverses et si vigoureuses. Quant au Flower Power lui-même, en version originale dans le texte, il est passé à la postérité comme slogan utilisé par les hippies, la fleur étant revendiquée comme symbole de leur idéologie non violente. Née du Summer of Love de 1967 (un rassemblement à San Francisco durant lequel les hippies avaient pour consigne de porter des fleurs dans les cheveux et d’en distribuer autour d'eux) le slogan a trouvé une traduction visuelle puissante lors des manifestations étudiantes contre la Guerre du Vietnam, quand des hippies entreprirent d’offrir une fleur à un agent de police, ou d’en glisser une dans le canon d'un fusil. Deux images célèbre prises par les photographes Bernie Boston et Marc Riboud, le 21 octobre 1967 lors d'une marche vers le Pentagone, montrent ainsi des jeunes gens opposant de simples fleurs aux armes des militaires. Nous aurons tout le loisir d’y revenir cette semaine !
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