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Love&Collect: Demain sourit en rêve
lun. 03 mai
|https://www.loveandcollect.com
Love&Collect: Cinquante-sixième semaine. Chaque jour à 10 heures, du lundi au vendredi, une œuvre à collectionner à prix privilégié, disponible uniquement pendant 24 heures. Collectionner n'a jamais été aussi enrichissant...
Heure et lieu
03 mai 2021, 10:00 – 08 mai 2021, 09:59
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À propos de l'événement
Semaine 56: Demain sourit en rêve
Demain sourit en rêve est le titre d’une toile de Maurice Henry. L’ancien pilier du groupe poétique Le Grand Jeu, puis membre historique du Surréalisme, la réalise en mai 1968. Elle montre une femme brune, nue, allongée sur le sable, les yeux clos ; la plage est envahie de CRS en tenue, l’un d’eux s’élançant sur ses côtes, à la hauteur du sein.
Rêve et révolution sont intimement liés, annonciateurs de ces lendemains qui chantent que toute la jeunesse, dans un soulèvement unanime, appelle de ses vœux.
Retrouvez les œuvres de la semaine tous les jours du lundi au vendredi, à 10h en cliquant sur ce lien.
Le Surréalisme a systématisé l’insertion de l’apport des rêves dans la création artistique, tant les images oniriques s’inscrivent dans la volonté des surréalistes d’abolir les frontières de la réalité. Pour cela, ils cherchent à relier tous les états mentaux à la création, explorant tant l’hypnose que le spiritisme, ayant recours à l’automatisme, tant en poésie qu’en dessin, pour faire surgir ces mots ou ces images formulés à la lisière du sommeil, et tout ce qui peut resurgir des tréfonds de notre conscience. L’œuvre, parfois, se forme ainsi d’elle-même, sans contrôle réel de l’artiste.
Dans la lignée du Cauchemar de Füssli, la toile d’Henry figure sur le même plan la dormeuse et son rêve, dont le tableau est le lieu de rencontre, comme à mi-chemin. Pourtant, si les visions de la Bible, par exemple, ont eu droit de cité dans l’art dès l’époque médiévale, le songe individuel, lui, n’apparaît dans l’art que bien plus tard. On considère que le premier à peindre son rêve est Albrecht Dürer dans l’aquarelle La Vision en 1525, nichée dans le journal du peintre, qui accompagne le récit d’un rêve: La nuit du mercredi au jeudi après la Pentecôte [7-8 juin 1525], je vis en rêve ce que représente ce croquis: une multitude de trombes d’eau tombant du ciel. La première frappa la terre à une distance de quatre lieues: la secousse et le bruit furent terrifiants, et toute la région fut inondée. J’en fus si éprouvé que je m’éveillai. Puis, les autres trombes d’eau, effroyables par leur violence et leur nombre, frappèrent la terre, les unes plus loin, d’autres plus près. Et elles tombaient de si haut qu’elles semblaient toutes descendre avec lenteur. Mais, quand la première trombe fut tout près de terre, sa chute devint si rapide et accompagnée d’un tel bruit et d’un tel ouragan que je m’éveillai, tremblant de tous mes membres, et mis très longtemps à me remettre. De sorte qu'une fois levé, j'ai peint ce qu'on voit ci-dessus. Dieu tourne pour le mieux toutes choses.
Grâce à la représentation qui accompagne le récit du songe, le regardeur peut s’emparer pour la première fois de la vision du peintre, ce qui autorise l’écrivaine Marguerite Yourcenar, dans son ouvrage Le temps, ce grand sculpteur, paru en 1983, à commenter à distance cette vision imaginée plus de quatre cent cinquante ans auparavant: Dans son croquis onirique, le visionnaire est un réaliste, et c'est d'un drame cosmique qu'il est le spectateur. Sa précision est d'un physicien, juge-t-elle.
Visionnaire et réaliste, cosmique et physicien, le peintre qui retranscrit les rêves est l’archétype même de l’artiste surréaliste, figure incarnée au premier chef par Salvador Dali qui, au cours des années 1930, se passionne pour la psychanalyse, fréquente Stefan Zweig et Lucian Freud lui-même, et déclare: Toute mon ambition sur le plan pictural consiste à matérialiser avec la plus impérialiste rage de précision les images de l'irrationalité concrète, allant même, dans son célèbre tableau de 1944, Rêve causé par le vol d'une abeille autour d'une grenade, une seconde avant l'éveil, à s’emparer d’un rêve de son épouse Gala, pour lui donner une forme hyperréaliste, fascinante.
Pour les surréalistes, rêve et révolution sont intrinsèquement conjoints. D’ailleurs, dans les premiers numéros de La Révolution surréaliste, la revue fondée en 1924, on retrouve nombre de récits de rêves dus à André Breton, mais aussi à Raymond Queneau et Michel Leiris. Dès sa déclaration d’intention, cosignée du photographe Jacques-André Boiffard et des écrivains Paul Eluard et Roger Vitrac, le ton est donné: Le procès de la connaissance n'étant plus à faire, l'intelligence n'entrant plus en ligne de compte, le rêve seul laisse à l'homme tous ses droits à la liberté. Grâce au rêve, la mort n'a plus de sens obscur et le sens de la vie devient indifférent. Chaque matin, dans toutes les familles, les hommes, les femmes et les enfants, S'ILS N'ONT RIEN DE MIEUX A FAIRE, se racontent leurs rêves. Nous sommes tous à la merci du rêve et nous nous devons de subir son pouvoir à l'état de veille. C'est un tyran terrible habillé de miroirs et d'éclairs. Qu'est-ce que le papier et la plume, qu'est-ce qu'écrire, qu'est-ce que la poésie devant ce géant qui tient les muscles des nuages dans ses muscles?
Si l’on pourrait objecter que l’objectif révolutionnaire aurait moins à gagner de la douceur passive d’un rêve que de l’efficacité d’une organisation, certains songes nocturnes, pourtant, ont parfois engendré de véritables révolutions de la pensée et de la création: le destin du philosophe René Descartes a ainsi été scellé par une séquence fort agitée de trois rêves, dont le dernier – selon son interprétation – lui enjoignait de consacrer sa vie à la recherche scientifique. On rapporte aussi que le compositeur Tartini, mort en 1778, entendit en rêve une sonate pour violon qu’il intitulera Sonate des trilles du Diable, d’une virtuosité technique redoutable, qu’il se contenta de reproduireau réveil.
Pour donner chair à la séquence centrale du rêve dans Spellbound (La Maison du Docteur Ewardes, 1945), le réalisateur Alfred Hitchcock exige de son producteur David O. Selznick de pouvoir collaborer avec Salvador Dali. Malheureusement, ainsi que le cinéaste s’en ouvre à son confrère François Truffaut dans leurs célèbres entretiens, alors qu’[il aurait] voulu tourner les rêves de Dalí en extérieurs afin que tout soit inondé de soleil et devienne terriblement aigu, [on le lui a refusé] cela et [il a] dû tourner le rêve en studio. Impossible, dans ces conditions, d’éviter le cliché, le tournage en studio produisant une forte impression d’artificialité qui contribue à accentuer l’effet de cristallisation, ou de collage, inhérente au rêve.
Aussi, au XXe siècle, la représentation des rêves est-elle demeurée du ressort du dessin et de la peinture, à l’exception de la superbe série de photographies réalisées par l’écrivain et plasticien Édouard Levé en 2004, ses Rêves reconstitués, dans lesquels il met en scène ses proches, et réalise parfois des objets imaginaires, qui lui sont apparus en songe: Quand je me souviens d’un rêve qui peut être reconstitué avec les personnes et les objets réels, raconte-t-il, je rédige sa description au réveil, puis le dessine sur une feuille de papier, avant de le photographier. L’œuvre d’art et le songe partagent la même polysémie irréductible, comme le souligne Levé: Le rêve me plaît parce qu’il s’agit d’une langue iconique. Les images qu’il génère sont des rébus, mais dont le sens ne serait jamais trouvé, avant de conclure: Je ne veux pas qu’on résolve l’énigme.
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