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jeu. 03 oct.

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Loeve&Co

Sarah Kaliski

Quel est ton nom, petite?

Les inscriptions sont closes
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Sarah Kaliski
Sarah Kaliski

Heure et lieu

03 oct. 2019, 17:00 – 16 nov. 2019, 19:00

Loeve&Co, 15 Rue des Beaux Arts, Paris, France

À propos de l'événement

L’art à fleur de page de Sarah Kaliski Les dessins de Sarah Kaliski m’ont cueilli sans prévenir. Il y a dix-huit mois, je me rendais au Centre Wallonie-Bruxelles, à Paris, afin de visiter l’exposition « L’Intime et le monde »  pour le compte de l’émission de critiques culturelles de France Culture, « La Dispute ». À côté des peintures et des sculptures marquées en profondeur par la Shoah de Marianne Berenhaut et Arié Mandelbaum, les dessins doux-amers de Sarah Kaliski détonnaient. La souffrance – effroyablement vivace, d’une enfant née en 1941, ayant perdu son père en déportation à Auschwitz-Birkenau, élevée à Bruxelles par une mère analphabète, dans une pauvreté extrême, au sein d’une famille disloquée entre l’Europe, Israël, l’Amérique du Sud et l’Australie – y est indissociable d’une liberté farouchement revendiquée, d’une jouissance profonde de l’existence et de ses plaisirs, notamment sexuels. Souffrance et jouissance se mêlent donc dans les dessins de Sarah Kaliski en une même gigantesque, absurde, métaphysique interrogation : celle d’une survivante qui se demande, sans relâche, comment et pourquoi, elle est encore là. Est-il possible de créer après la Shoah ? « Oui », ont répondu Anselm Kiefer ou Gerhard Richter, à leur manière de mâles dominants fouillant la culpabilité de leur peuple et de leur génération. « Oui », ont répondu plus subtilement, avec recul et aussi plus intimement, Ceija Stojka ou Sarah Kaliski. Elles expriment une empathie incommensurable, je crois, avec les victimes, toutes les victimes, mais aussi avec les bourreaux, d’une certaine façon, en tout cas avec l’absurdité des supplices infligés comme reçus, à la manière d’un Philip Guston dessinant les conspirateurs du Klu Klux Klan ou Richard Nixon, dans son hilarante et troublante série de dessins du début des années 1970 : toujours, c’est l’« exubérance » de l’être humain qui justifie qu’on le sauve.   

Une exubérance radicale et salutaire À compter des années 1980, Sarah Kaliski a délaissé un travail solide, mais un peu fade, de peintre pour élaborer une œuvre graphique sans équivalent, d’une « exubérance » radicale. Elle explore obsessionnellement les thèmes structurants de son identité, les sévices des nazis donc, la belgitude (à travers les figures de Jacques Brel, Henri Michaux ou des frères Simenon), les violences faites aux enfants (les petits Romanov l’obsèderont longtemps), mais aussi la liberté amoureuse d’une femme mûre, débarrassée de son mariage et de toutes les inhibitions. Les dessins de Sarah Kaliski sont peuplés de figures récurrentes : sa fratrie ; des enfants, parfois jouant avec des oiseaux, les recueillant et les protégeant plutôt ; des chiens hurlant, meurtrissant, quelques fois fouillant de leur langue un sexe féminin (comme dans le bouleversant roman de l’artiste Allemande Unica Zürn, Sombre Printemps) ; des femmes aux longues chevelures ondulantes, qui « ouvrent leur fruit » à des amants incertains (« Elle ? Lui ? Ah, oui, ouverte à moi toute ! Je, oui, cela », hésitent les protagonistes de ces ébats aveugles) ; des hommes doux et caressants, aux yeux clos, consolateurs mais hantés (« Tu dormais ? Pour oublier quoi quoi, quoi, quoi… ? »). À l’aube des années 1980, Sarah Kaliski a trouvé enfin la forme qui lui convenait, susceptible de contenir l’entièreté de ses visions provenant du passé, du présent, de l’avenir, et des voix qui la poursuivaient, de ces phrases hachées comme des staccati envahissant jusqu’à ses rêves. Principalement pour les éditions Fata Morgana, elle a commencé à mêler ses dessins à des mots, ceux des autres d’abord – André Pieyre de Mandiargues ou Jonathan Littell –, avant de livrer ses œuvres totales, accouplant lettres et figures de manière si singulière, d’un même trait qui lui appartient en propre, empruntant autant aux comics qu’au maniérisme, aux graffiti qu’à la calligraphie orientale. Publiés dans les années précédant sa disparition, en 2005 et 2007, ses chefs d’œuvre sont Le -X- ne peut cacher le nom vous dites ? Michaux le -N- de Henri se balade et le stupéfiant Quel est ton nom, petit ? Louis-Ferdinand Céline, consacré à un salaud magnifique, exubérant parmi les exubérants.   

Dans son œuvre, la force des perdants   Dans ces années, la peinture revient sous les doigts de Sarah Kaliski, fragiles figures déposées sur des supports humbles : barquettes alimentaires, boîtes de sardines, sous-bocks, feuilles d’arbres, boîtes de camembert, cailloux, écorces d’avocat même. Comme Louise Bourgeois, Nancy Spero ou Kiki Smith, Sarah Kaliski se laisse envahir par les exubérances tapies au plus profond de sa psyché et de ses humeurs. Elle ne triche ni ne (se) ment à aucun moment. L’apparente fragilité de leurs ses traits n’exprime que l’équivalent dessiné des pulsations de la vie même. Ils possèdent au plus haut point « la force décuplée des perdants », chantée par Alain Bashung… sur un texte de Gérard Manset (Comme un Lego).

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